Skam, réalisme de notre génération
- Emma
- 8 janv. 2017
- 3 min de lecture

Il y a encore quelques semaines, personne ne connaissait Skam, série norvégienne qui fait fureur dans les pays scandinaves. La créatrice, Julie Andem, joue avec le phénomène de la websérie : en temps réel, des clips et des sms échangés entre les différents personnages sont postés sur le site officiel de la série. C'est donc principalement grâce à Internet que la série a commencé à prendre de l'ampleur aux Etats-Unis et en Europe, notamment avec Twitter : au bout de seulement quelques jours après la sortie de la troisième saison, Twitter s'est emparé du phénomène. On ne compte plus aujourd'hui le nombre de fanaccounts présents sur la Twittosphére, originaires des Etats-Unis, de France ou d'Italie.
Ce qui plaît, c'est le réalisme et la proximité des personnages. Déjà, les acteurs ont en moyenne 18 ans : on est bien loin des acteurs américains de 30 ans jouant des ados stéréotypés dans ces séries soit-disant réalistes que nous servent les USA en ce moment. Skam, c'est le Skins (le côté déjanté en moins) à la norvégienne, des personnages imparfaits, anti-héros de 17 ans, qu'on apprend à aimer malgré leurs défauts (et ils en ont énormément).
Si Skam fonctionne aussi bien en Europe, c'est aussi que le mode de vie des différents personnages se rapproche beaucoup plus du nôtre : alors que la plupart des séries populaires nous montrent la vie des ados américains dans leur high school, avec un système scolaire à l'opposé du nôtre, Skam nous plonge au contraire dans ce qu'est vraiment le lycée pour nous.
Et puis, ce qui fait aussi son succès, c'est les sujets qui sont abordés, des sujets propres à notre génération et à notre époque : de la crise migratoire à l'homosexualité, en passant par le conflit israélo-palestinien et la bipolarité, on parle sans tabous du monde dans lequel on vit, n'hésitant pas à confronter des opinions divergentes. On se sent concerné et impliqué, à même de, nous aussi, parler haut et fort de ce qui nous tient à cœur.
Skam, "honte" en français, c'est donc le réalisme d'une génération qui manque de confiance en elle. Une génération qui ne sait pas où est sa place, qui se cherche, à tâtons, sans vraiment savoir où aller. Chaque saison se centre sur un personnage, chacun faisant face à sa propre réalité et à ses propres questionnements. Skam, ça se regarde sur Google Drive, on se passe les liens des épisodes sous-titrés en anglais, on se décourage pas face à l'incompréhension du norvégien. On se laisse emporter par ses couleurs froides, ses plans serrés et sa musique pop qui tombe toujours au bon moment. On suit d'abord Eva, cherchant à se forger son identité, puis Noora, indépendante et prête à tout pour défendre ses convictions au risque d'y perdre ses ailes et Isak, apprenant à accepter sa sexualité.
Skam a explosé en l'espace de quelques semaines seulement, devenant la nouvelle série à regarder, la série hype dont il faut parler. L'impact est tellement fort que les producteurs se sont vus préciser que Skam était avant tout dirigé vers les ados norvégiens, et, que le phénomène était disproportionné. Car, maintenant, au même titre que les séries US telles que Teen Wolf ou Pretty Little Liars (on retient que ces séries vont ou ont déjà signé leur clap de fin), les fans affluent, harcelant pour certaines les acteurs sur Instagram à coup de spams et d'avalanches de commentaires. Ce que craignent surtout les producteurs, c'est l'américanisation de la série, alors que le principe même de Skam était de créer un contenu dans lequel la jeunesse norvégienne pouvait s'identifier en tant qu'européenne. Faut-il vraiment ajouter qu'une adaptation américaine de sa série est en cours de préparation, alors que ce qui fait le charme et le succès de Skam aux USA, c'est avant tout le dépaysement apporté ? Au final, on risque de retomber dans le cliché de la vie parfaite américaine, gâchant tout le potentiel de la série originale. Alors, par pitié, laissez tomber.
Comments